12 octobre 2005

Encore une fois je me retrouve dans ces foutus couloirs où il y a trop de portes et trop peu de fenêtres. Dans ma main le café est agité de remous comme un océan microcosmique.

Je marche.


Je pense à ces rêves dont je me souviens de moins en moins. Au fil des années je me suis endurcis, c'est ce qui m'a permit de survivre, mais c'est aussi ce qui m'a fait perdre certaines de mes capacités d'adaptations, certaines de mes habiletés, dont celle là. Jadis je notais mes rêves à chaque matin. J'y vois une belle allégorie de ce qui se passe ici, dans la Citadelle, d'abord un instrument de survie pour ceux qu'Elle abrite, mais graduellement devenue une Prison impitoyable et pernicieuse. Elle est grande, Elle est puissante... nous aurions tout ce qu'il faut pour atteindre les idéaux des siècles passés, s'ils n'avaient pas été largués il y a bien longtemps déjà.


Mais ce matin, ce matin j'ai réussi à conserver un rêve, comme le dernier sou au fond de la tirelire après que le Collecteur nous ait rendue visite. Dans ce rêve, je faisais partie d'un groupe d'exilés, nous étions dans une quête indéterminée dans un monde mythique, quand --- à des centaines de kilomètres de nous --- j'ai aperçu le Champignon Atomique, excroissance de la Guerre sur les terres consacrées d'une Grande Ville. Le vent atomique nous a couchés au sol, le choc a fait éclater nos tympans. Je ne sentais pas la douleur de mes blessures, je pleurais, j'avais la preuve que tout était fini, et que survivre est parfois pire que mourir.


Je marche, contourne ceux qui ne vont pas assez vite pour moi. Je ne suis pas pressé mais je n'aime pas avoir à ralentir pour m'accommoder au rythme de quelqu'un d'autre.


J'essaie d'ignorer une douleur sur mon cou, là où un insecte m'a mordu alors que je sortais de chez moi. J'y ai tout de suite porté ma main mais l'insecte était déjà parti. Mi-amusé mi-consterné, je me dis que c'était peut-être une inoculation forcée de la part des Sous-Adjoints de la Santé Commune, ou une tentative de silencialisation permanente de la part d'un agent des Services Secrets.


Et je me ressasse les idées d'un Grand Mage que j'admire: "À l'école, il y a un curriculum officiel (lecture, écriture, mathématiques) mais surtout un curriculum caché, celui de la ponctualité, de l'obéissance et de l'acceptation de la monotonie..."


Je pense à ce petit bastion de résistance discrète que je forme avec ma Compagne. Et je me promets de faire ce que je peux pour éviter à mes enfants tout curriculum, ou bien de leur en révéler le côté caché pour qu'ils ne soient pas dupes. Leur fournir ce qu'il leur faudra pour résister aux émondages positiviologiques de la Citadelle et --- surtout --- aux marées mélancoliques qu'ils hériteront certainement de leur père.

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