Il y a six ans, j'ai commencé à apercevoir une jeune fille, presque chaque jour, dans ces longs couloirs que je devais parcourir pour me rendre des quartiers que j'habitais à cette époque jusqu'à mon lieu de travail. Elle ne pouvait pas avoir plus de 12 ou 13 ans. Ses yeux étaient grands, béants même, sa bouche toujours entrouverte, ce qui lui donnait un air perdu. À la regarder je me disais: "Elle doit être un peu attardée, la pauvre."
Ses vêtements étaient vieux, trop grands pour elle. Son pantalon était sale, le fond de culotte avait l'air humide, et dans l'ouverture béante d'une manche de son grand chandail on entrevoyait sans peine des seins menus, guère plus que des mamelons de jeune garçon.
Tôt le matin, tard le soir, à toute heure de la journée, je la croisais, et invariablement mes yeux se rivaient sur elle, sur ses yeux surtout, où je voyais quelque chose, un ahurissement inconscient, une placidité imprudente mais que je ne pouvais m'empêcher d'admirer.
Deux fois depuis ce temps j'ai été relocalisé ailleurs dans la Citadelle, une fois dans une Division voisine puis l'année passée complètement à un autre Niveau, mais pourtant je continu de la croiser.
Six ans que je la vois et l'observe, quelques minutes à la fois. Elle est maintenant une jeune femme, et parfois elle est avec d'autres et je la vois sourire, parler, adopter des moues moqueuses, mais elle a encore ce vide, cette distance dans les yeux.
Pourquoi elle? Comment expliquer cette coïncidence? M'a-t-elle déjà remarqué? Entretien-t-elle des réflexions à mon égard, elle aussi?
Il y a des hasards comme ça, qui finissent par prendre des proportions démesurées dans nos esprits martelés.
06 octobre 2005
Chapitre 11.
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