10 novembre 2005

"Aujourd'hui ne m'appartient pas."

Tel est le refrain que j'entonne dans le creux de mon crâne.

Fixant le béton pour y distinguer un Visage, j'aperçois un amas de petits motifs qui ressemblent beaucoup à des lettres. Il y a un 'h' assez indiscutable, un 'e' aussi, un 'r'... mais les autres lettres sont moins distinctes (si elles sont des lettres). On pourrait lire soit "héros", soit "hier".

Deux concepts qui se sont fatalement évaporés de nos existences. "Nécessairement évaporés," me diraient d'autres.

* * *

Aujourd'hui ne m'appartient pas, même si pourtant j'en saisis toutes les étapes et tous les détails.

Un lever matinal et prématuré qui, par le conditionnement qu'il suppose et entraîne, entrave probablement pour toujours la capacité de mon corps à dormir pour plus de six heures. La capacité à tomber dans la phase onirique du sommeil, aussi.

Ensuite, un labeur ininterrompu où je recommence sans cesse la même chose. Un travail de montage de l'esprit, qui indubitablement provoque aussi des tics et des spasmes involontaires, au niveau psychique plutôt que physiologique.

Des transitions solitaires entre mon travail et mon lieu de résidence. Je connais les raccourcis, je privilégie les couloirs alternatifs que personne n'utilise.

Et puis, chez moi, une soirée trop brève. J'arrive si tard que je n'ai avec mes enfants que le temps de manger, et puis de leur donner leur bain. Hier, pendant le bain justement, mes yeux se sont posés sur un jouet, et je l'ai vu.



Plusieurs secondes nous nous sommes regardé, moi et lui, puis mon fils a haussé la voix pour me sortir de ma transe (et dans ses yeux il n'y avait pas d'inquiétude ou d'étonnement, il est de toute évidence habitué à ces absences chez son père).

Quelques heures plus tard, alors que tout le monde dormait, je suis retourné le voir.

"Aujourd'hui ne m'appartient pas," je lui ai dit tout haut. Et un écho, résonnant faiblement dans le fond de la baignoire, m'a semblé répondre: "À jamais."

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